Déshabillez-moi... du regard!
"Les gens qui tirent la gueule dans le métro..."Cette phrase lui parle. Elle l'a prononcée un jour. On peut même dire ça d'elle. Et ça l'embête vraiment. La vie est belle pourtant, elle se le répête chaque jour puisque chaque jour est un cadeau. Un beau cadeau. Mais à voir ces regards fuyants, ces lèvres horizontalement droites sur chaque visage, sans aucune autre expression que de la lassitude... le mot "beau" n'est pas le premier qui lui vient à l'esprit. Il faut changer les choses, donner l'exemple, puisque le sourire est communicatif. Mais comment? Elle ne va tout de même pas sourire bêtement sans raison à chaque déplacement? Premier jour, première difficulté: en se rendant à ses cours, elle cherche quelque chose qui puisse la faire sourire, elle observe les gens. N'y aurait-il pas une scène touchante, cocasse ou étonnante qui pourrait faire naître un signe d'expression quelconque sur son visage? "Un instant de poésie..."Tiens, voila le vendeur de poèmes... Une tête connue du métro parisien, s'il en est. "Ce qui me fait dire, avec Antoine de Saint Exupéry, que l'on ne voit bien qu'avec le coeur, l'essentiel est invisible pour les yeux..." Souvenir d'une visite chez Arnaud et Pauline, où il avait été question de ce poète du métro et de ses citations parfois un peu faciles... Souvenir ensuite d'une série d'éclats de rire après qu'Arnaud ait tenté de l'imiter. "Un instant de pwwoooooésie!" Un sourire nait dans chaque coin de ses lèvres, non pas un sourire moqueur à l'attention du poète, mais un sourire heureux d'avoir pu revivre un moment de joie... Elle relève la tête, regarde autour d'elle, et croise le regard d'une vieille dame assise sur une banquette. Elle garde ce contact visuel quelques secondes, toujours en souriant, et attend de voir si la dame réagit. Tout d'abord un peu pincée, la vieille dame regarde à gauche puis à droite pour voir si c'est bien à elle que ce sourire et ce regard sont adressés. Puis, s'étant assurée de bien en être la destinataire, elle lui esquisse un sourire en retour. Sa voisine de droite, qui avait du interrompre la lecture de son magazine féminin lors de l'arrivée du "Petit Prince du métro", était de nouveau dérangée par les mouvements que venait d'effectuer la tête de la vieille dame. Elle cherche à connaître la raison de cette interruption et observe cet échange de sourires et de regards entre une vieille dame et une jeune fille apparemment étrangères l'une à l'autre. La scène la touche et elle même esquisse un sourire à l'attention des deux autres.En descendant du métro, son sourire ne s'évanouit pas. Elle est parvenue à faire sourire deux personnes simplement en se remémorant un bon moment. C'est très satisfaisant mais elle n'en restera pas là, ce n'est qu'un début! Elle est tellement contente qu'elle prend la série de marches d'assaut, faisant fi de l'escalator...Pendant le cours, sa concentration ne se porte pas sur ce que dit le professeur. Elle monte des plans dans sa tête. Il y a tellement de possibilités! Un projet est né. A défaut d'être la poète du métro, elle sera la sourieuse du métro.